Quelques généralités sur les parasites de poisson

Parasites présents dans les produits de la pêche

Sous toutes les latitudes, de nombreux parasites protistes (unicellulaires microscopiques) et métazoaires (pluricellulaires macroscopiques) peuvent être présents dans les poissons: au niveau des branchies, de la peau, du tube digestif, des muscles, etc. Certains peuvent être pathogènes pour l'homme. La contamination par ces parasites se produit après consommation de produits de la pêche crus ou insuffisamment cuits ou transformés (mariné, salé, fumé à froid, etc.). Dans ce cas, des pathologies généralement digestives peuvent se développer. Des réactions allergiques liées à la présence de certains parasites ont aussi été décrites. Par ailleurs, des parasites provoquent des altérations organoleptiques du poisson ou des produits dérivés, occasionnant ainsi des pertes économiques pour l'industrie de la pêche.

 

Tableau 1. Principaux parasites de poisson ayant un impact sanitaire et/ou économique. Les 3 parasites étudiés durant le programme Fish-Parasites sont encadrés en rouge (Cryptospordium) et en bleu (Anisakis et Diphyllobothrium).


Evolution des habitudes de consommation de produits issus de la filière pêche.

Selon les données de la FAO, la consommation de produits de la pêche dans les 27 pays de l'Union Européenne est de l'ordre de 22 kg/personne/an, valeur supérieure à la moyenne mondiale qui est de 19,2 kg/personne/an (données de 2012 publiées dans le rapport FAO, 2014). La consommation de poisson par la population française (environ 35 kg/personne/an) est 34 à 35% inférieure aux recommandations du Programme National de Nutrition et Santé (AFSSA, 2005). La consommation de produits de la mer en France devrait donc théoriquement augmenter dans les années qui viennent. D’ailleurs, l’étude CALIPSO, menée de 2003 à 2006, a montré que la consommation de poisson était inversement corrélée à la mortalité due aux maladies coronaires cardiaques et pouvait combler les besoins en acides gras omega-3 (CALIPSO, 2006). La tendance à la consommation croissante de poisson cru ou peu cuit est observée par de nombreux auteurs et institutions. Un rapport de l’AFSSA (2004) montrait l’émergence de nouveaux modes de production, préparation et consommation de la nourriture : par exemple, une consommation accrue de poisson cru mariné (ou pas), de nourriture exotique ou à emporter et une fréquence accrue à manger hors de chez soi. La popularité grandissante du « consommer cru » ou crudivorisme dans les pays occidentaux associée au nombre croissant de restaurants japonais peut ainsi favoriser l’émergence de parasitoses telles que l’anisakidose / anisakiose aigüe ou l’allergie induite par Anisakis.


Impact sur la qualité des produits

1) Les Myxosporidies

Les Myxosporidies sont des parasites microscopiques proches des Cnidaires. La plus connue des espèces appartenant à ce groupe est l’agent du tournis de la truite, Myxobolus cerebralis, qui est la cause d’une mortalité considérable dans les populations de salmonidés. D’autres espèces (ex: Kudoa) peuvent parasiter les poissons marins. Ces organismes forment des kystes visibles à l’oeil nu ou détruisent le tissu, détériorant ainsi les propriétés organoleptiques du produit. Le pouvoir pathogène de ces Myxosporidies pour l’homme n’est pas bien connu bien qu’il puisse exister un lien de causalité entre la présence du parasite dans les selles de patients immunodéprimés et des symptômes gastro-intestinaux (diarrhée, vomissements).

Figure 1. En haut, filets de thon (Thunnus atlanticus) présentant des kystes de Myxosporidies (Kudoa thunni, points blancs de 1-2 mm de diamètre). En bas, myxospore (Kudoa, sp.) observé dans un filet de merlu (Merluccius productus) dont les propriétés de texture étaient modifiées (chair fibreuse et cotonneuse). Crédits photos: Griffin et al., 2014, J Parasitol; Eduardo Dei-Cas (Institut Pasteur de Lille).

 

2) Les Microsporidies

Ces organismes microscopiques, proches des champignons, infectent les poissons, les insectes et les mammifères. Chez le poissons téléostéens, ils forment des structures kystiques blanchâtres  (appelées xénomes) visibles à l’oeil nu et souvent situés le long de la colonne vertébrale du poisson.
Il n’existe pas de données sur la pathogénicité pour l’homme des microsporidies retrouvées chez les poissons. Ces espèces (ex: Spraguea) sont assez éloignées du groupe des microsporidies (Enterocytozoon ou Encephalitozoon) qui peuvent être pathogènes pour l’homme, particulièrement chez l’hôte immunodéprimé.

Figure 2. En haut à gauche, xénome de Spraguea chez Lophius litulon; en bas à gauche, spores microscopiques contenus dans le xénome; en haut à droite, xénome de Spraguea chez Lophius piscatorius; en bas à droite, spores microscopiques contenus dans le xénome. Crédits photos: Freeman et al, 2004, Folia Parasito, Dr M. Gay (ANSES Boulogne s/mer).

 

3) Les crustacés du genre Sarcotaces

Ces parasites se présentent sous forme d’une poche grisâtre à noirâtre, située en périphérie des faisceaux musculaires dans les filets. Ces structures ovales peuvent mesurer 3-4 cm de long. Lorsque la poche est percée, s’en échappe un liquide noirâtre qui contamine le filet et le rend impropre à la consommation. Ces crustacés ne semblent pas être pathogènes pour l’homme.

Figure 3. Sarcotaces dans des filets de Lingue (Molva sp.). En haut, poche in situ (flèches); en bas à gauche, individu isolé de sa poche; en bas à droite, poche percée laissant échapper un liquide noirâtre. Crédits photos: Dr M. Gay (ANSES Boulogne s/mer).

 

4) Les vers plats du genre Diphyllobothrium

Les parasites du genre Diphyllobothrium sont des vers plats appartenant aux Cestodes. L’espèce Diphyllobothrium latum est la plus fréquemment rencontrée en France. Ce parasite est communément appelé le ténia du poisson et peut infecter l’homme lors de la consommation de poisson cru ou peu cuit. Voir la rubrique qui y est consacrée sur ce site.

Figure 4. Larve plérocercoïde de Diphyllobothrium latum dans des filets de perche. L’aiguille mesure environ 35 mm. Crédits photos: Pr J. Dupouy-Camet (hôpital Cochin, Univ. Paris Descartes).

 

5) Les Anisakidés

Les vers ronds appartenant à la famille des Anisakidés font partie des Nématodes. Leurs larves (quelques centimètres) sont présentes parfois en très grand nombre dans la cavité viscérale de nombreux poissons. Plus rarement, ces larves peuvent migrer dans les filets et infecter l’homme lors de la consommation de poisson cru ou peu cuit.
Voir la rubrique qui est consacrée aux Anisakidés sur ce site.

Figure 5. Larves d’Anisakidés dans la cavité viscérale d’un merlan et d’un maquereau. En bas à gauche, larves d’Anisakidés sur les caeca digestifs dans la cavité viscérale d’un maquereau; en haut à gauche, agrandissement des larves; en haut à droite, nombreuses larves spiralées sur le foie dans la cavité viscérale d’un merlan; en bas à droite, agrandissement des larves. Crédits photos: Dr M. Gay (ANSES Boulogne s/mer).

 

Surveillance et recherche concernant les parasites de poisson en Europe et en France.

Le laboratoire de référence des parasites de la communauté européenne (LR-UE, Rome, Italie) ainsi que le laboratoire national de référence pour les parasites transmis par les aliments (LNR, ANSES Maisons-Alfort, France) développent des recherches, une surveillance et un contrôle des zoonoses parasitaires incluant celles transmises par les produits de la filière pêche.

Depuis Décembre 2010, le réseau Fish-Parasites, coordonné à l’Institut Pasteur de Lille (dans l’équipe BDPEE) et financé par l’ANR-ALIA, s’attache à mesurer la prévalence des parasites de poisson (essentiellement Anisakidae, Diphyllobothrium et Cryptosporidium) pour une liste de 15 espèces de poisson dont la consommation est considérée à risque en France. Ces données sont intégrées au fur et à mesure de l’échantillonnage et de l’identification des parasites dans la base de données ParaFish, spécialement développée pour les besoins du projet par l’ANSES (Maisons-Alfort). De plus, une des tâches de l’action vise à mettre au point un prototype de détection automatique de larves d’Anisakidés dans les filets par vision intelligente en collaboration avec LASMEA (UMR6602 CNRS, Clermont-Ferrand) et SAS ARBOR Technologies (Landévant). Enfin, une plate-forme d’identification des parasites est opérationnelle à l’ANSES de Boulogne-s/Mer et des sessions de formation continue sur les parasites de poisson sont organisées à l’Institut Pasteur de Lille à destination des professionnels de la filière. Ces différentes activités visent à mieux définir le risque parasitaire associé à la consommation des produits de la pêche et à mieux le prévenir.

Par ailleurs, le laboratoire ANSES Boulogne-s/Mer est également partenaire du programme européen PARASITE (Parasite risk assesment with integrated tools in EU fish production value chains) financé dans le cadre de l'appel à projets KBBE. Ce programme PARASITE (2013-2016) vise à produire des arguments scientifiques et des développements technologiques pour détecter, surveiller et limiter l'impact des parasites zoonotiques, principalement les Anisakidae mais également les métacercaires de trématodes présentes dans les produits de la pêche européens et d'importation. Ce programme comprend entre autres des axes de recherche visant à 1) acquérir des données de répartition de ces parasites; 2) développer des outils de détection (presse hydraulique et PCR en temps réel); 3) acquérir des connaissances sur les capacités allergéniques de ces parasites et 4) développer une analyse quantitative du risque lié à ces parasites.

Le programme ABC-Fish (Anisakis-Blastocystis-Cryptosporidium-Fish, Avr. 2014-Mars 2016) est financé par la région Nord-Pas-de-Calais et coordonné à l’Institut Pasteur de Lille (dans l’équipe BDPEE). Ce programme vise à mesurer la prévalence des parasites (Anisakis, Cryptosporidium et Blastocystis) dans les poissons (maquereaux, merlans, harengs et lieus noirs) débarqués à Boulogne s/mer et dans les mammifères marins échoués sur les côtes du Nord-Pas-de-Calais. D’autre part, en partenariat avec les services de médecine du travail et de santé au travail des gens de mer de Boulogne s/mer, du service de médecine du travail du CHRU de Lille et des services d’Immunologie et de Parasitologie-Mycologie Médicale des CHRU de Lille et de Cochin, le volet clinico-épidémiologique du projet s’attache à identifier les patients allergiques ou sensibilisés aux antigènes d’Anisakis. Le rôle de la fréquence d’exposition aux antigènes d’Anisakis dans le développement de l’allergie sera également évalué dans différentes populations: pêcheurs, personnel travaillant dans les ateliers de transformation du poisson, population non exposée.

Références

FAO. The state of world fisheries and aquaculture. 2014. pp 243. ISSN 1020-5489.

AFSSA. Évaluation des risques nutritionnels et sanitaires. Priorités 2004/2007. Rapport, juillet 2004.

CALIPSO. Étude des Consommations Alimentaires de produits de la mer et Imprégnation aux éléments traces, Polluants et Oméga 3. Document AFSSA, 2006.

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